être éditeur

JE SUIS EDITEUR A MES HEURES PAS PERDUES MÊME QUAND IL FAIT BO DEHORS JE SUIS EDITEUR JE FAIS PAS CA QUE QUAND IL FAIT MOCHE J’ESSAIE D’ETRE EDITEUR NON-STOP UNE SORTE DE SERVICE CONTINU D’EDITEUR UN TRUC QUI SE MAINTIENT J’ESPERE AU MOINS POUR MILLE ANS PARCE QU’APRES MA MORT JE SERAI CRYOGENISE ET JE CONTINUERAI A ETRE EDITEUR DANS LE TUBE COMME ON EST EDITEUR AU SPORT D’HIVER JE SERAI UN EDITEUR TRES FROID MAIS PAS MOINS PASSIONNE.

troll poésie

La troll-poésie en tant que troll-poème via le trollème une espèce frénétique de poésie spumeuse squameuse spammeuse un morceau de viande de merde de sulfure poétique qui croît dans un milieu fluidique à hauteur valeur nutritive condensée (le web les réseaux sociaux) sans s’embrancher à la fibre de l’intime mais plutôt en s’enracinant dans la possibilité d’un fumage complet et pas sorcier des conditions d’existence virtuelle du langage. Poème-fruit d’une rencontre avec un moment du web immédiat, du tout connecté, elle utilise la matière instantanée du web et pourtant paradoxalement instantanément gravée dans le marbre mouvant, pour un laps de temps indéterminé. LE WEB CE GRAND MARBRE MOUVANT. On n’a jamais autant écrit et ce qui est écrit n’est jamais resté aussi longtemps en place, de simples paroles en l’air deviennent de futures épitaphes inexpugnables, gavés aux litres de pixels, de giga, des giga-giga, dans des châteaux forts de serveurs qui rebondissent les uns sur les autres, des châteaux de béton qui se cognent mollement dans le metavers, un troll-poème peut s’y déployer se nourrir d’eau fraîche druidique des lumières lacrymales des écrans rétro-projetés, peut se nourrir d’eau croupie des fonds d’ivresse des blablas intersidérales issus des doigts qui tapotent la pluie et le beau temps dans un ouragan force mille de mots. LE WEB COMME UN GRAND BOL DE SOUPE VERMICELLE-LETTRE. Dès qu’on remue un peu sa connexion tout qui vient à la surface pour la papille de la langue. Le troll-poème comme un poisson dans sa marre qui se marre au cœur du grand web ce village mondialisé où tout peut disparaître au fond des pourriels et des non-vues et des likes impulsifs et des memes enzymes et des gifs dégoulinant et des meutes d’émoticones.

Morceau choisi de “Du soleil, de l’histoire, de la vision” d’Eleni Sikelianos

 

“& je suis issue du crâne & du corpus vertebrata se cachant à l’intérieur
de la structure microscopique d’un os

& mes ostéoclastes le démoliront & mes ostéoblastes le reconstruiront

& je suis issue des cordées & de l’endosquelette se cachant à l’intérieur
d’une étoile constructions de poussières traçant et pulvérisant ces choses-là

& je suis issue des hominidés & des anthropo¨des Regarde ma contenance
[crânienne de 2000 cm²

& ceci est l’orifice auriculo-ventriculaire de mon coeur & l’o.de ma cavité
[tympanique

& voici mon artère hépatique
& voici mon disque buccal
mon canal vestibulaire organe de Corti
mon larynx d’homo sapiens
& ici, mes aisselles axillaires lignes de lait de chaque côté & je me cache entre
le singe de l’aube & la fission nucléaire”

 

(Eleni Sikelianos, “du vrai pli humain”, p.42, , in ‘du soleil, de l’histoire, de la vision” éditions Grèges, septembre 2007)

Diverses propositions relatives à la poésie

remplacer les images de doigts de pied gangrénés
les dents pleines d’ordures et les
escarres mauves comme des câpres
de tous les paquets de clopes
par des poèmes
du XIIIème siècle

rendre obligatoire
la poésie
tout contrevenant s’expose
à se faire
bouffer par des rats affamés dans une boîte à rats affamés
ou alors par des caïmans-squales
une aberration génétique issue des labos secrets à
Boulogne-sur-mer
(dans les sous-sols du château kebab)

un festoch dans le genre
“on achève bien les chevaux”
sauf que tu lis de la poésie jusqu’à en crever
pour 50 balles
ta langue finit plus sèche qu’un crabe cramé
ou une forêt d’amandier en
Californie

un site web poéporno
mélange de culs humides
et de vers libres
de vagins léchés jusqu’à l’os et de
poèmes récités en même temps
un langage de mouille et de bateau
ivre

des chats génétiquement modifiés
pour que leur pelage pousse
sous forme de petits rouleaux
de poèmes
comme dans les biscuits
chinois
qui devinent l’avenir en de mauvaises traductions google

Morceau choisi de “Lirisme” d’Aurélie Foglia

 

“qu’un lecteur vous trépane
mange sa soupe
dans votre crâne

c’est normal

il ne faut pas s’en faire
un monde

si d’autres armés d’ongles
vous prélèvent et broient
les organes pour en exprimer
le sang à chaud

c’est bon signe

ils aiment”

 

(Aurélie Foglia, “Lirisme”, p.24, in Catastrophe² poésie & matériaux de reconstruction, décembre 2019)

Pointe Sèche

de Johan Grzelczyk

 

ériger les arbres
réfléchir le ciel doucement

 

une pointe sèche ça gratte
ça grogne sur le métal grommelle
creuse ferraille
c’est pas qu’une simple imprégnation faut que ça écharde c’est pas comme avec un feutre
tu le poses sur ta feuille blanche et tu coules dessus tu écoules dessus une impression tu lèches le papier tu baves dessus mais
la pointe sèche
c’est différent
en gravure
ça veine un sillon ça nerve
ça fait des fleuves vides
ça prodigue
du limon

 

apaiser la terre
la rapiécer d’espaces libres
s’y tenir
tenir droit
se maintenir

 

mettre tous les verbes des poèmes
à l’infinitif
un infinitif
ne s’épanche pas
et c’est simple à comprendre c’est lié au fait 100% scientifique (j’ai fait des études) qu’un
infinitif c’est non-émotionnel
exemple
“apaiser la terre” vs “apaisons la terre”
le premier n’implique pas que t’y mettes du tien
pas de louche d’affects
pas de sujet transvasé transplanté
y’a pas de personne y’a pas de temps
y’a pas de moi
(on va dire ça comme ça)
et c’est un peu la pointe sèche
pas un épanchement émotionnel d’aquarelle
plutôt
de l’épluchage
(bien sûr il y a de l’émotion dans la gravure)
(et alors ? on a bien le droit de simplifier pour les besoins du raisonnement ?)
(non mais)

 

tomber la ville
creuser ses vides
l’emplir d’errances

 

alors c’est sec
alors c’est doux
alors c’est coriace
alors c’est en l’air
alors c’est caillouteux
alors c’est sinueux
alors c’est cérébral
alors c’est généreux
alors c’est limpide
il est question de produire du “déchet” autour des infinitifs
(de l’alluvion)
oui parce que le creux fait ses bourrelets
et donc les mots fleurissent comme
des patates on va dire


toucher au but incertain
construire les ruines

infester
gravir
pousser la lutte jusqu’à autrui

recouvrir
le débattre
ne plus quêter sa survie

 

les poèmes se finissent
comme une pierre qui tombe de la poche
ils s’en vont rejoindre un chemin
qu’on vient
de battre en brèche
ce qu’il y a partout chez Johan Grzelczyk
des petites brèches
ouvertes
qui craquent comme des allumettes

 

(Johan Grzelczyk, « Pointe sèche », éditions Pariah, 2020, https://pariahpropagande.bigcartel.com/products)

PS : je mets 10/10 pour la couverture du livre, noire comme du pain brûlé, mais plus nourrissante.